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Affaire Jubillar : comment juger un crime quand le corps n’a jamais été retrouvé ?

Quatre ans après la disparition de Delphine Jubillar, la cour d’assises du Tarn a rendu son verdict. Le 17 octobre 2025, Cédric Jubillar, son mari, a été condamné à trente ans de réclusion criminelle pour meurtre. Un verdict prononcé sans corps, sans aveux, sans scène de crime, un cas d’école judiciaire.


Delphine Jubillar a disparu dans la nuit du 15 au 16 décembre à Cagnac Les Mines / Capture d'écran google
Delphine Jubillar a disparu dans la nuit du 15 au 16 décembre à Cagnac Les Mines / Capture d'écran google

Dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020, à 4 h 09, Cédric Jubillar appelle les gendarmes. Sa femme, Delphine, 33 ans, infirmière et mère de deux enfants, « a disparu ». D’après son récit, elle serait sortie de la maison familiale de Cagnac-les-Mines, dans le Tarn, en pleine nuit, vêtue d’une doudoune blanche. Mais aucun témoin ne l’a vue.


Selon Le Monde, les premières constatations ne révèlent « ni effraction, ni trace de lutte ». Le téléphone de Delphine s’éteint vers 23 h 07. Deux voisines affirment avoir entendu des cris cette nuit-là, rapporte La Dépêche du Midi. Dans la maison, les enquêteurs trouvent une paire de lunettes brisée, élément présenté comme « symbole du dossier » lors du procès, relate TF1. Très vite, les recherches s’organisent : battues citoyennes, plans d’eau vidés, puits inspectés. En vain.

L’enquête se recentre alors sur le mari. Les investigations révèlent un couple en crise : Delphine projetait de partir, et une liaison extraconjugale avait été découverte. « Il ne supportait pas l’idée d’être quitté », avance une témoin cité par RTL. Cédric Jubillar est mis en examen pour meurtre en juin 2021 et placé en détention.


Le procès du vide


Le procès s’ouvre le 22 septembre 2025 à Albi, devant une salle remplie. « Un procès du vide, où chaque détail compte ». Dans le box, Cédric Jubillar apparaît amaigri, rasé, vêtu d’une veste de survêtement. Il nie tout en bloc : « Je n’ai rien fait à Delphine ». L’accusation déroule pourtant un faisceau d’indices : un téléphone inactif, une machine à laver lancée en pleine nuit, les cris de voisines, les lunettes brisées. Un scénario « cohérent et suffisant », estime l’avocat général, cité par Le Monde. La défense, elle, s’insurge : « On veut faire condamner un homme parce qu’il ne pleure pas comme il faut », plaide Me Alary.

Les avocats soulignent les failles d’une enquête menée à ses débuts par « deux jeunes gendarmes inexpérimentées », indiquent nos confrères. Aucune preuve directe, pas d’arme, pas de corps, pas de scène de crime. Juste un faisceau d’indices, des hypothèses, des incohérences dans les témoignages et une conviction.


La personnalité de l'accusé


Cédric Jubillar, 38 ans, ancien plaquiste, est décrit par les experts comme « immature, narcissique et égocentré ». Des proches évoquent un homme « jaloux, possessif, mais pas violent ». D’autres le dépeignent comme « un manipulateur », selon nos confrères.



À la barre, il alterne entre désinvolture et ironie : « Je suis là parce qu’il faut bien accuser quelqu’un », lâche-t-il pendant l’audience. Sa mère, interrogée après la condamnation, confie selon La Dépêche : « Je n’ai pas eu de larmes. Je ne réalise pas ce que cela signifie ».


Un verdict sans corps


Reste une question cruciale : comment juger un meurtre sans corps ? Dans son réquisitoire, l’avocat général rappelle que « l’absence de cadavre ne signifie pas l’absence de crime ». La cour d’assises s’est appuyée sur « un faisceau d’indices concordants », et sur la fameuse « intime conviction » des jurés. C’est la même logique dans certains procès pour viol : souvent, il n’y a pas de traces ADN, pas de témoins, parfois les faits sont anciens.


La justice s’appuie dans ce cas sur la cohérence du récit, les éléments de contexte, et la crédibilité des témoignages. Le verdict est tombé : trente ans de réclusion. Aucun corps, aucun aveu, mais une certitude judiciaire. Dans le Tarn, les questions sans réponses demeurent. Et Delphine Jubillar, elle, reste introuvable.


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